mercredi 18 juillet 2012

Un sentiment de sécurité (2)


L'Angleterre a au moins deux très bonnes raisons de sombrer dans la paranoïa à l'approche des jeux : les  attentats de Londres en 2005, et les attentats de Munich en 1972. Pour ces motifs et ceux exposés dans le billet précédent, l'Angleterre donc a fait logiquement appel, pour un montant équivalent à 360 millions d'Euros, (dans un pays endetté fin 2011 à hauteur de 497% de son PIB, mais toujours noté AAA. C'est ce qu'on appelle l'humour anglais), à une société de sécurité privée pour assurer celle des JO. Erreur fatale, fiasco lamentable, qui oblige le pays à rameuter d'urgence l'arrière-ban, les réservistes et les cantinières pour pallier aux lacunes de la si prestigieuse entreprise privée, - mais qui a le mérite de prouver (une fois de plus) au moins une chose à la face du monde : le secteur privé est capable de faire pire, plus cher et moins performant que l’État.

Mais laissons ces détails, l'important est ailleurs.

Et voici l'important :

En théorie, dans un monde démocratique, pour entrer dans la police ou la gendarmerie, il faut un minimum de compétences. Pas un QI d'ingénieur, n'exagérons rien, mais au moins :
  • une bonne condition physique,
  • quelques techniques martiales qui permettent d'immobiliser un suspect sans (de préférence) (trop) l'estourbir,
  • une certaine expérience et l'œil exercé qu'il faut pour distinguer au milieu d'une foule en délire, l'individu suspect, vêtu d'un long imperméable sombre, porteur d'un chapeau crânement enfoncé sur les yeux, de lunettes noires, d'une (fausse) barbe et d'un paquet qui fait tic-tac,
  • et une formation, - même minime, même superficielle, même juste une demi-journée, - en gestion des situations de crises.
Parce que vous et moi, en situation de crise, - oh! nous pouvons toujours dans nos rêves imaginer que nous serons héroïques, - mais il y a de fortes chances, si l'on n'est pas mort sur le coup et qu'on a encore nos deux jambes, pour qu'on se mette simplement à hurler en courant dans tous les sens. On n'imagine donc pas, alors que le pays redoute une explosion nucléaire en plein village olympique, le chef de la police ou un général de brigade de la gendarmerie se rendre sur la place du marché pour y louer à la criée deux filles de ferme, un vieux berger et trois journaliers pour faire l'appoint si les bras manquent.

La société de sécurité privée en question, si. Je cite Florentin Collomp :

 « Pour ces jobs temporaires, la société a ciblé en particulier des chômeurs, des retraités ou des étudiants. Mais, peu motivées par une rémunération de 8,50 livres de l'heure (10,80 euros), les personnes recrutées ont souvent failli à se présenter là où elles étaient attendues. Plusieurs mois s'étant passés entre leur formation et le début du travail, elles ont pu trouver mieux en attendant. ».

Privatiser la sécurité publique, est-ce vraiment une bonne idée? Surtout dans de telles conditions?

Peu après l'Angola, l'Angleterre découvre à son tour un des petits inconvénients mineurs mais enquiquinants, liés à une politique systématique de bas salaires et d'exploitation outrancière de la main d'œuvre. C'est l'amusant de la chose.

Amusant et stupéfiant par ailleurs est le fait qu'un tel article soit publié dans Le Figaro! Soit le journaliste va se faire jeter, soit le propriétaire du journal a viré sa cuti, soit la vieille haine atavique franco-anglaise leur fait oublier toute logique éditoriale. (Soit aussi, aucun des deux n'a compris la portée potentiellement révolutionnaire de l'article.)

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