vendredi 27 juillet 2012

La dette et l'homme intègre


Il y a bien longtemps, dans un pays fort fort lointain, un homme, un chef d'État, fit un jour un discours. Le texte est long, si vous êtes pressé, la vidéo (17 min.) est au bas.

Cela se passait il y a vingt-cinq ans, une génération. Beaucoup ont oublié, d'autres n'ont jamais su. A leur intention, voici qui était cet homme.

Il est né en 1949 dans le pays des Mossi qui comptait plusieurs royaumes appelés Boussouma, Dagomba, Gourma, Mamprousi, Ouagadougou et Yatenga. Les Français qui s'y étaient installés (1), trouvant cela bien compliqué, l'avaient renommé Haute-Volta. Cet homme donc, issu de la petite classe moyenne, a fait des études, est entré à l'armée, puis en politique. Arrivé au pouvoir en 1983 suite à un coup d'État, à nouveau il change le nom de cette terre en Burkina Faso, Pays des Hommes intègres.

Son programme était clair, il l'a présenté à l'ONU en 1984, et il l'a mis en œuvre.
:
  • Abolir les privilèges des chefs tribaux qui se comportaient comme des seigneurs féodaux, et redistribuer la propriété des terres aux paysans. (2)
  • Lutter pour l'émancipation féminine en promouvant l'éducation des filles, la contraception, l'accès des femmes à des postes de responsabilité, en interdisant l'excision, les mariages forcés et la polygamie.
  • Réduire drastiquement le train de vie du Gouvernement, entre autre en remplaçant les Mercédès de fonction par des Renault 5, en diminuant le salaire des ministres et des hauts fonctionnaires, à commencer par le sien.
  • Développer l'économie du pays,
    • Par l'autosuffisance alimentaire, obtenue suite à la réforme agraire (divisions des terres féodales en lopins distribués aux paysans). (3) Condition même de l'indépendance du pays et de la santé de ses habitants.
    • Par la plantation de milliers d'arbres pour lutter contre la désertification.
    • Par la constructions de routes et de voies de chemin de fer.
    • Par le refus d'endetter davantage le pays par des emprunts étrangers, repoussant particulièrement l'aide(4) du FMI.
    • Par la demande de réduction de la «dette odieuse» contractée par ses prédécesseurs.
    • Par le développement de l'artisanat et des petites industries locales, en refusant d'importer toute marchandise ou tout bien qui pouvait être produit localement.
Bien sûr il se fit des ennemis. Les chef tribaux dépouillés de leurs droits, et les intérêts financiers de la France et de sa post-colonie la Côte d'ivoire. Ceux-là, très mécontents, l'accusèrent de tyrannie, de corruption et d'imposture. On peut les comprendre, ils perdaient du pouvoir, de l'influence et de l'argent, tandis que la population gagnait de la nourriture, de l'éducation, de la santé et des droits qu'elle ne méritait pas.

On lui a reproché de surtaxer la bourgeoisie urbaine pour financer ses projets de développements ruraux.(5) On lui a reproché d'être marxiste-léniniste. Très franchement, au vu de son programme et de ses réalisations, il aurait pu être ce qu'il veut, je m'en soucie comme d'une guigne.

Son discours sur la dette fut prononcée à Addis-Abeba le 29 juillet 1987. Le 15 octobre 1987, moins de trois mois plus tard, il meurt assassiné lors d'un coup d'État fomenté par l'homme qui est toujours aujourd'hui au pouvoir dans le pays, Président depuis 25 ans, et qui s'est empressé de détruire toutes les réformes de son prédécesseur, et de rejoindre le FMI.

Aujourd'hui au Burkina Faso, 80% de la population vit avec moins de 2$ par jour. Le président actuel et sa famille vont très bien, merci.

Mais tout ce qui précède est relativement anecdotique, perdu dans le bruit et la fureur de l'Histoire humaine.

Non, ce qui est véritablement stupéfiant, c'est l'actualité de ses deux discours de 1984 à l'ONU et de 1987 contre la dette. L'histoire se répète? ou bien bégaie-t-elle? Ni l'un ni l'autre. En l'occurrence, elle fait du sur-place.

On trouve ici et là des gens pour demander qu'on leur cite un Einstein africain. On pourrait leur expliquer pourquoi l'Afrique peine à développer la recherche scientifique chez elle pour cause de sous-financement chronique. Mais ils ne comprendraient pas. On pourrait leur citer Edward AlexanderBouchet. Ou les envoyer sur ce blog, ou leur montrer cette vidéo. Mais rien ne convainc certaines gens.

Je préfère leur demander en retour de me citer un Thomas Sankara européen aujourd'hui. Bonne recherche.


(1) Il y a une énorme différence entre invasion et conquête. Ne pas confondre, car les deux n'ont rien à voir. L'invasion, c'est quand l'ennemi entre chez vous. C'est mal, il apporte guerre, misère, oppression et tyrannie. La conquête, c'est quand vous entrez chez l'ennemi. C'est bien, vous apportez civilisation, religion, démocratie et progrès. Mais comme je ne veux d'ennuis ni avec les Français, ni avec les Burkinabés, je choisis une périphrase.

(2) C'est très mal. Chacun sait que la propriété privée est un droit absolu et sacré . Comme par exemple ici, et ici ou ou encore ici.
 
(3) Suite à cette mesure la production de céréales est passée de 1700Kg/Ha à 3800Kg/Ha en trois ans. Mais pour un économiste et un géant de l'agro-alimentaire ce n'est pas un critère pertinent. Je n'oserais les contredire, n'étant pas économiste.

(4) Ce mot d'« aide » qui prend tout son sel lorsqu'on pense à la Grèce, est particulièrement délicat et prouve l'humour si subtil et si heureux du FMI.

(5) La différence entre une taxe légitime et nécessaire et une taxation abusive et disproportionnée est très simple. Lorsqu'un chef d'État africain connoté à gauche taxe une partie relativement aisée de la population pour aider au développement d'une paysannerie extrêmement pauvre, c'est de la tyrannie. Lorsque les Hautes Autorités européennes taxent, l'une après l'autre, les populations modestes de chaque pays d'Europe pour réduire le déficit creusé par l'aide accordée aux banques et les abattements d'impôts accordés aux plus riches, et reversent ensuite le produit de ces taxes aux banquiers et aux grands financiers, c'est une mesure responsable, courageuse et efficace.

jeudi 26 juillet 2012

Dans la forêt

La forêt lunaire, entre ombre et lumière, recèle des magies, livre des trésors qu'il faut inventer.

Une source où verdit la belle Angélique, le lys des marais (Acorus calamus),


 puis l'eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), qui soigne la fièvre et le foie,


et l'épilobe hirsute (Epilobium hirsutum), Hierba de San Antonio, Garofanino d'acqua.


Un ruisseau roux sinue entre le côté clair et le côté obscur.


Un chemin étrange, une faille ombreuse où se cachent les elfes, un chasme pour lutins, une tonnelle de sauvages.


Une taupe pétrifiée, ou un buste de taupe taillé par les nains des sous-bois.


Les ronciers (Rubus fruticosus) sont en fleurs, à l'automne on fera vendange et grande ripaille de mûres. 


La pluie de la semaine dernière a fait des miroirs dans la boue. Et au fond de la flaque, comme en un lac aux dames, on perçoit le reflet d'un monde inversé, de l'autre monde, celui des faées. Quelle sorte de fée, quelle dame en guenille peut enchanter les flaques?


Une petite mare peu profonde, couverte de mousse, prend des airs d'abstraction conceptuelle. Ici doit vivre une dame verte. Elle étale ses couleurs à la manière de Klimt.


Une étrangeté géologique, une ornière de sable clair tracée dans l'humus noir. Le sable qui couvrait le sentier en amont a coulé, porté par l'eau de pluie qui ruisselle jusqu'à remplir l'ornière. Ce n'est que l'une des magies secrètes qui président au destin des sols.


Celui-ci n'est peut-être qu'un petit agaric. Mais qui n'en sais pas plus ne s'y risquera pas. La lépiote brune a de ces ruses...


En fin d'après-midi, la chaleur se dissipe, une petite-biche (Dorcus parallelopipedus) se risque sur le sable.


Le crépuscule approche, la forêt d'or se pare.
Au milieu coule une rivière,


et se dresse un grand saule tout brillant de soleil.





vendredi 20 juillet 2012

Emily


Elle écrivait :
« No coward soul is mine ».
Elle vécut solitaire sur une terre sauvage.

Elle écrivait :
« Love is like the wild rose briar,
Friendship like the holly-tree
The holly is dark when the rose briar blooms
But which will bloom most constantly »(1)
Elle n'aima qu'en rêve, ne fut aimée qu'en songe, et de quelles amours! Elle en fit un roman.

Elle écrivait :
« Wild the road and rough and dreary;
Barren all the moorland round :
Rude the couch that rests us weary
Mossy stone and heathy ground »(2)
et c'est sa vie qu'elle décrivait.

Elle écrivait :
«  Yes, as my swift days near their goal,
T'is all that I implore
In life and death, a chainless soul
With courage to endure ».(3)
Elle est morte à trente ans

Sa sœur composa ce lament pour elle :
« My darling, Thou wilt never know
The grinding agony of woe
That we have borne for thee. »
Tant de chagrin. C'était la quatrième à mourir, mais non la dernière.

Elle parlait mieux aux bêtes qu'aux hommes, elle préférait les fleurs aux gens.
Elle n'était pas riche, n'a jamais connu les bals, les réunions mondaines, les flirts à Bath, elle préférait courir la brande en solitaire.
N'a jamais pu s'éloigner longtemps de chez elle sans se mourir de nostalgie. Peur cachée sous la force, fragilité sous le courage. Telles étaient ses ténèbres, voilà ce qu'elle taisait.

Intelligente, indépendante, secrète était-elle, et brune, et grande, et belle sans le savoir.

Instruite, cultivée, musicienne, pudique et stoïque. Dure aux autres et à elle-même, elle n'était pas polie, elle n'était pas gentille, elle avait le mépris facile, ne pardonnait pas facilement. Sa vie s'est déroulée entre les travaux domestiques et les poèmes écrits en secret, entre un terne quotidien et une œuvre flamboyante. C'est sur la lande qu'elle respirait.

Peut-être auriez-vous aimé la connaître, mais elle vous aurait fui, comme elle fuyait les inconnus. Ses sœurs même ne savaient tout d'elle.

Emily Jane, la sauvage.



(1)« l'amour est comme l'églantine
L'amitié comme le houx
Sombre est le houx quand fleurit l'églantine
Mais quel feuillage est plus constant? »

(2)« Sauvage est la route et triste et rude
Nues tout alentour les landes
Dure est la couche à nos lassitudes
Pierre moussue et terre de brandes »

(3) "Oui, mon temps coure-t-il vers l’abîme,
C'est tout ce que j'implore
Par vie et mort, un âme libre
Le courage de souffrir encore."

Les extrais de poèmes sont tirés de The Brontës, selected and edited by Pamela Norris, chez Everyman, Londres,1997.
Les traductions en notes (1), (2) et (3) sont de l'auteur.

Les bons et les méchants


Les contes de fées sont binaires, c'est pourquoi les enfants les comprennent. Ils mettent en scène des bons et des méchants, nets et bien reconnaissables. Voyez comme nous vivons un beau conte : dans le monde réel aussi à présent, à ce qu'il paraîtrait, on reconnait facilement les bons et les méchants.

Il était une fois, en un certain royaume, un peuple épris de liberté écrasé par un méchant tyran. Dans un autre royaume, à l'autre bout du monde, vivait un bon roi qui régnait sur un peuple barbare et qui tentait vainement de le civiliser.

Voici les bons. Ce sont des gens pleins d'humour et de courage qui se dressent comme un seul homme pour renverser le méchant roi-sorcier.

Voilà les méchants. Ce sont des gauchistes hystériques qui ont ruiné le pays avec leurs exigences irréalistes de sécurité sociale, de salaires, de retraites, d'allocations en tout genre et qui refusent les nécessaires réformes, l'indispensable modernisation de l'économie et les plans nobles et courageux mis au point au milieu d'énormes difficultés par la bonne fée Europe, le noble mage Fmi et leur bienveillant souverain pour sortir le pays du gouffre où ces fainéants de tricheurs l'ont plongé.

... heu ... pardon, je me trompe, toutes mes excuses.

Donc ici, aurais-je du dire, ce sont les bons, c'est à dire un roi intègre et désintéressé, avec son entourage de fidèles dont le courage ne faiblit pas devant la menace de la foule de va-nu-pieds déchainés, la bave au lèvre et le couteau entre les dents, prêts à massacrer la noblesse avec leurs grosses mains sales de mineurs de charbon, et à piller les supermarchés comme s'ils n'étaient qu'un vulgaire palais de Versailles.

Et vous avez le méchant, le vilain roi-sorcier qui tient son peuple dans un hideux esclavage et réprime sauvagement toute légitime manifestation de désespoir.

Mais n'ayez crainte, dans les contes de fées, le bon gagne toujours. Dans le monde réel, hélas, nous savons tous qu'il n'en est rien. C'est pourquoi tant de princesses et de rois de nos jours, comme des enfants craintifs, préfèrent fermer les yeux et croire aux contes de fées.


Est-il besoin de préciser?
Tout ceci est second degré.

mercredi 18 juillet 2012

Un sentiment de sécurité (2)


L'Angleterre a au moins deux très bonnes raisons de sombrer dans la paranoïa à l'approche des jeux : les  attentats de Londres en 2005, et les attentats de Munich en 1972. Pour ces motifs et ceux exposés dans le billet précédent, l'Angleterre donc a fait logiquement appel, pour un montant équivalent à 360 millions d'Euros, (dans un pays endetté fin 2011 à hauteur de 497% de son PIB, mais toujours noté AAA. C'est ce qu'on appelle l'humour anglais), à une société de sécurité privée pour assurer celle des JO. Erreur fatale, fiasco lamentable, qui oblige le pays à rameuter d'urgence l'arrière-ban, les réservistes et les cantinières pour pallier aux lacunes de la si prestigieuse entreprise privée, - mais qui a le mérite de prouver (une fois de plus) au moins une chose à la face du monde : le secteur privé est capable de faire pire, plus cher et moins performant que l’État.

Mais laissons ces détails, l'important est ailleurs.

Et voici l'important :

En théorie, dans un monde démocratique, pour entrer dans la police ou la gendarmerie, il faut un minimum de compétences. Pas un QI d'ingénieur, n'exagérons rien, mais au moins :
  • une bonne condition physique,
  • quelques techniques martiales qui permettent d'immobiliser un suspect sans (de préférence) (trop) l'estourbir,
  • une certaine expérience et l'œil exercé qu'il faut pour distinguer au milieu d'une foule en délire, l'individu suspect, vêtu d'un long imperméable sombre, porteur d'un chapeau crânement enfoncé sur les yeux, de lunettes noires, d'une (fausse) barbe et d'un paquet qui fait tic-tac,
  • et une formation, - même minime, même superficielle, même juste une demi-journée, - en gestion des situations de crises.
Parce que vous et moi, en situation de crise, - oh! nous pouvons toujours dans nos rêves imaginer que nous serons héroïques, - mais il y a de fortes chances, si l'on n'est pas mort sur le coup et qu'on a encore nos deux jambes, pour qu'on se mette simplement à hurler en courant dans tous les sens. On n'imagine donc pas, alors que le pays redoute une explosion nucléaire en plein village olympique, le chef de la police ou un général de brigade de la gendarmerie se rendre sur la place du marché pour y louer à la criée deux filles de ferme, un vieux berger et trois journaliers pour faire l'appoint si les bras manquent.

La société de sécurité privée en question, si. Je cite Florentin Collomp :

 « Pour ces jobs temporaires, la société a ciblé en particulier des chômeurs, des retraités ou des étudiants. Mais, peu motivées par une rémunération de 8,50 livres de l'heure (10,80 euros), les personnes recrutées ont souvent failli à se présenter là où elles étaient attendues. Plusieurs mois s'étant passés entre leur formation et le début du travail, elles ont pu trouver mieux en attendant. ».

Privatiser la sécurité publique, est-ce vraiment une bonne idée? Surtout dans de telles conditions?

Peu après l'Angola, l'Angleterre découvre à son tour un des petits inconvénients mineurs mais enquiquinants, liés à une politique systématique de bas salaires et d'exploitation outrancière de la main d'œuvre. C'est l'amusant de la chose.

Amusant et stupéfiant par ailleurs est le fait qu'un tel article soit publié dans Le Figaro! Soit le journaliste va se faire jeter, soit le propriétaire du journal a viré sa cuti, soit la vieille haine atavique franco-anglaise leur fait oublier toute logique éditoriale. (Soit aussi, aucun des deux n'a compris la portée potentiellement révolutionnaire de l'article.)

Un sentiment de sécurité (1)


Qu'est-ce pour vous que la sécurité? Hé bien si par exemple, vous assistez à un évènement sportif, ça se résume au fait que les athlètes puissent performer et que les spectateurs puissent y assister, sans risquer de se faire agresser, détrousser, tabasser, prendre en otage, assassiner ou exploser.

La sécurité, dans un monde démocratique et dans un pays en paix, est censée être assurée par les services de l'État : police et gendarmerie. Les spectateurs, les sportifs et le personnel qui assure l'intendance paient des impôts qui serviront à payer le salaire des braves flics et pandores. C'est à ça que sert l'impôt, c'est à ça que sert l'État, dans un monde démocratique et un pays en paix.

Mais laissons ces détails, l'important est ailleurs.

Si vous voulez organiser un évènement mondain dans un pays en guerre, - et je suis vraiment désolée de détruire aussi brutalement vos illusions, - rien ne peut garantir votre sécurité. L'armée est trop occupée sur le front et les frontières, et la police n'est pas équipée pour ce genre de problème. Rien ne dit que l'ennemi ne va pas choisir ce moment, précisément, pour pratiquer une frappe chirurgicale en vous balançant une bombe intelligente sur le stade.

Il se fait justement que l'Angleterre est un pays en guerre. Ses troupes font parties de la coalition qui en Afghanistan pratique régulièrement des frappes chirurgicales en balançant des bombes intelligentes qui ciblent de préférence des évènements mondains comme des fêtes de mariage. Pour une raison qui m'échappe mais qui a sûrement sa propre logique(1), l'Angleterre supporte mal l'idée que les Afghans puissent lui rendre la pareille en faisant exploser, je ne sais pas, au hasard, un stade olympique plein de monde par exemple.

Je comprends, notez. Si j'étais une athlète de haut niveau, ou une spectatrice enthousiaste, voire même une simple larbine engagée à bas prix pour assurer l'intendance, logée dans des baraquements insalubres et sinistres (c'est déjà mieux que sous un pont), je n'apprécierais pas non plus d'exploser en plein milieu d'une joyeuse réunion. Pas plus que si j'étais une jeune mariée afghane.

Mais laissons ces détails, l'important est ailleurs.

(1) Non parce que la guerre, c'est un peu comme le foot : chaque camp essaie de mettre un maximum de balles dans celui de l'adversaire. A la fin, celui qui a pris le plus de balles à perdu. Au foot, l'adversaire a le droit de répliquer. A la guerre, non, ou alors c'est très mal vu. 

Une soirée à la foire


Certaine Dame un jour a fait remarquer, que les fêtes foraines sont toujours sinistres en fiction. On pense à Hitchcock, à l'Inconnu du Nord-Express, son assassin parmi la foule et le duel final sur un manège fou. On pense à Pinocchio, au terrifiant parc d'attraction où les enfants sauvages et désobéissants sont transformés en ânes.

Il en est une au Midi, tous les étés depuis l'an 1880. Elle a une histoire, l'histoire de familles qui possèdent les baraques de génération en génération, des dynasties foraines avec leurs patriarches et leurs héritiers. Elle a des parfums : caricoles et smoutebollen, frites et barbe-à-papa. Elle a une musique à elle, faite de chansons ringardes et de dance remixée, des sirènes des manèges, des appels des forains, des cris des visiteurs (surtout ceux sur les trucs de ouf). Elle possède l'art de réveiller les souvenirs. Souvenirs d'enfance, de premiers flirts, de saveurs, d'odeurs. Et des grands frissons, à l'âge où l'on ose tout :

- Chiche que t'es pas cap'!
- J'suis cap'! Et tout de suite encore!
- (Oh maman! Mais qu'est-ce que je fais là?! Mais qu'est-ce qui m'a pris?!)
 
On croise des jeunes couples en balade, des familles, des parents aux aguets, des enfants excités. Des jeunes filles en essaims colorés, ou deux par deux, trois par trois, bras dessus, bras dessous, interpellées par les forains : « Venez, tentez votre chance. Ici, les belles gagnent à tous les coups! ». Des jeunes mâles qui prennent l'air affranchi et roulent des mécaniques en croisant ces belles-ci, qui testent leur force sur des machines à boxer, qui veulent, à tout prix, prouver qu'ils sont cap'.

Et parfois, un peu perdue, un peu à part, tournant les yeux partout sans croiser un regard, isolée au milieu des chalands qui s'ébattent, une vieille dame vient tromper sa solitude en grignotant des beignets saupoudrés de sucre glacé.

J'y fus flâner ce soir. Je n'ai pas croisé le tueur, ce n'est pas moi qu'il cherchait. J'ai laissé les frissons aux autres (j'ai donné, ma foi, déjà bien donné. J'étais cap'). J'ai tenu la main d'un petit garçon qui voulait tout voir et tout essayer (sauf les trucs de ouf. Avec la sagesse des enfants, il n'a pas encore l'âge où l'on croit qu'on est cap').

Il y avait des manèges à l'ancienne,


des grands classiques,


des trucs de ouf,


et une attraction à laquelle aucun môme ne résiste, et la môme en moi qui ne dort jamais trépignait de rage, parce que je suis trop grande pour pouvoir y monter.






mardi 17 juillet 2012

Il pleut sur la ville


Été pourri, moisi, mouillé.
Orages et pluies, nuages et vent.
On n'est pas gâtés cette année.
Et pourtant, pourtant la pluie,
la pluie qui chante et qui danse,
La pluie fraîche au vent qui l'enchante,
Elle peut émerveiller lorsqu'un Rêveur la chante.



Si la pluie vous rend morose, mettez ces vers en musique, chantez-les pour vous-même en courant sous les gouttes.

Cadeau des poètes d'antan.

Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie.
(Emile Verhaeren, La Pluie)

Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel ;
L’averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel.
(Henri de Regnier, Le jardin mouillé)

Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
La vitre tinte et ruisselle de gouttes ;
Sur le pavé sonore et bleu des routes
Il saute et luit des étincelles d'eau.
(Sully Prud'homme, Pluie)

La pluie fine a mouillé toutes choses, très doucement, et en silence.
Il pleut encore un peu. Je vais sortir sous les arbres.
Pieds nus, pour ne pas tacher mes chaussures.
(Pierre Louÿs, La pluie)

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
(Paul Verlaine, Il pleure dans mon cœur)

La pluie continue à mouiller le fleuve,
Le ciel pleut sans but, sans que rien l’émeuve.
(Jules Laforgues, La pluie)

Il pleut sur la mer, lentement :
La mer crépite sous la pluie ;
Le ciel gris tombe en s'endormant
Vers la mer grise qui s'ennuie.
(Edmond Haraucourt, Il pleut sur la mer)

lundi 16 juillet 2012

Un conte de science et de métro



Il était un musée. Un beau petit musée dans une ville du Nord. Une ville où les gens sont censés parler deux langues mais en parlent bien d'autres entre eux.

Un musée pour la science, un musée pour enfants, un musée sous la terre, au fond d'un souterrain.
Un souterrain fort fréquenté, sous la terre où passent les trains.
Les enfants y venaient, y voyaient des merveilles, ils découvraient la science, le jeu des illusions, les 5 sens et les lois qui régissent l'univers.
Aucun n'en sortait sans un sourire au cœur, tous en revenaient plus sages.

Les contes de fées sont noirs. Pas un sans méchant roi, sans mauvais sort, sans magicienne au cœur sec. Pas un sans riche avare, envieux d'or plus que de justice.

Un jour le musée fut chassé par des gens plus soucieux d'argent que de science et d'enfants.

Il est bien tard pour le sauver, mais si nous laissons faire, c'est bien plus qu'un musée qui disparaîtra, c'est du soleil dans le métro, des sourires de gosses, un peu d'intelligence dans un monde idiot. C'est l'avare qui vaincra les enfants de la ville.

Vous pensez que ce n'est qu'un conte? Revenez à la réalité. Faites quelque chose, même peu, même sans espoir. Votre geste comptera. Le musée Scientastic a besoin de votre aide et même s'il doit partir, votre soutien pourrait lui être utile.  La vie est un conte noir, mettez-y des couleurs!

http://www.scientastic.com/FR/accueilFr.htm



Bienvenue dans ma forêt


C'est une forêt lunaire.

Vous y trouverez des rêves et des réalités, des ombres et des lumières, des clairières, des fougères, des arcs-en-ciels stellaires et des gouffres marins.

C'est une forêt enchantée, y passeront des fées, des sorcières et des Bêtes. De noires chimères et de blanches licornes. Des chevaliers félons, des gueux à l'âme haute, des rois sans couronne et des Grands sans honneur.

Des poètes oubliés, des musiciens maudits. Des mémoires très anciennes, des éclairs d'un monde encore à venir, des aubes riches en promesses, des crépuscules emplis de vie.

Ici légendes et réalité se mélangent et vous ne saurez plus si l'on vous conte l'une ou si vous vivez l'autre.

Entrez à pas de loup, à pas de biche, à pas d'homme égaré, à pas d'enfant trouvé.

Pas à pas, entrez dans ma forêt sur la lune.