Elle écrivait :
« No coward soul is mine ».
Elle vécut solitaire sur une terre
sauvage.
Elle écrivait :
« Love is like the wild rose briar,Friendship like the holly-treeThe holly is dark when the rose briar bloomsBut which will bloom most constantly »(1)
Elle n'aima qu'en rêve, ne fut aimée
qu'en songe, et de quelles amours! Elle en fit un roman.
Elle écrivait :
« Wild the road and rough and dreary;Barren all the moorland round :Rude the couch that rests us wearyMossy stone and heathy ground »(2)
et c'est sa vie qu'elle décrivait.
Elle écrivait :
« Yes, as my swift days near their goal,T'is all that I imploreIn life and death, a chainless soulWith courage to endure ».(3)
Elle est morte à trente ans
Sa sœur composa ce lament pour elle :
« My darling, Thou wilt never knowThe grinding agony of woeThat we have borne for thee. »
Tant de chagrin. C'était la quatrième
à mourir, mais non la dernière.
Elle parlait mieux aux bêtes qu'aux
hommes, elle préférait les fleurs aux gens.
Elle n'était pas riche, n'a jamais
connu les bals, les réunions mondaines, les flirts à Bath, elle
préférait courir la brande en solitaire.
N'a jamais pu s'éloigner longtemps de
chez elle sans se mourir de nostalgie. Peur cachée sous la force,
fragilité sous le courage. Telles étaient ses ténèbres, voilà ce
qu'elle taisait.
Intelligente, indépendante, secrète
était-elle, et brune, et grande, et belle sans le savoir.
Instruite, cultivée, musicienne,
pudique et stoïque. Dure aux autres et à elle-même, elle n'était
pas polie, elle n'était pas gentille, elle avait le mépris facile,
ne pardonnait pas facilement. Sa vie s'est déroulée entre les
travaux domestiques et les poèmes écrits en secret, entre un terne
quotidien et une œuvre flamboyante. C'est sur la lande qu'elle
respirait.
Peut-être auriez-vous aimé la
connaître, mais elle vous aurait fui, comme elle fuyait les
inconnus. Ses sœurs même ne savaient tout d'elle.
Emily Jane, la sauvage.
(1)« l'amour est comme l'églantine
L'amitié comme le houx
Sombre est le houx quand fleurit
l'églantine
Mais quel feuillage est plus
constant? »
(2)« Sauvage est la route et triste
et rude
Nues tout alentour les landes
Dure est la couche à nos lassitudes
Pierre moussue et terre de brandes »
(3) "Oui, mon temps coure-t-il vers l’abîme,
C'est tout ce que j'implore
Par vie et mort, un âme libre
Le courage de souffrir encore."
Les extrais de poèmes sont tirés de The Brontës, selected and edited by Pamela Norris, chez Everyman, Londres,1997.
Les traductions en notes (1), (2) et (3) sont de l'auteur.
Marie n'était pas si différente d'Emily...
RépondreSupprimerJe pensais à elle, oui, en écrivant ce billet. Beaucoup.
RépondreSupprimerMais il y avait des différences : Marie s'est envolée loin du nid. Emily s'y cloîtrait comme dans un refuge.
Marie aimait sortir, se divertir, voir des gens, s'amuser. Emily fuyait le monde. Seules, hormis sa famille, ont trouvé grâce à ses yeux une ou deux amies de Charlotte, qu'elle-même avait connues à l'école.
Marie a vécu ses rêves, elle les a réalisés. Elle a aimé et fut aimée. Emily n'a pu qu'imaginer.
Mais la vie intérieure foisonnante, l'intelligence et la culture, la beauté ignorée, l'amour des légendes et du passé. La force et la faiblesse, la fierté, le désespoir caché, le goût du secret. La fuite parfois dans l'imaginaire. Beaucoup de points communs, oui. Et la fascination que toutes deux pouvaient susciter. Et le destin précoce.